Illustration : missboby
L’actualité (affaire D.S.K.*) nous offre un nouvel exemple du mépris des valeurs humaines en général, de l’amitié en particulier.
Je n’évoquerai pas le fonds de l’affaire, puisqu’à l’heure où j’écris ces lignes, l’on ne sait pas encore - les guillemets sont importants – qui du soi-disant "agresseur" ou de la soi-disant "agressée", est LA victime.
Et c’est précisément le point crucial que je veux développer.
Il y a des amis qui n’attendent même pas que la vérité soit faite pour s’écarter, de peur d’être éclaboussés. On devient infréquentable !
Il y a ceux qui attendent de voir dans quel sens le vent va tourner pour donner une opinion, voire un jugement. On devient un objet, une marchandise soumise à la loi de l’offre et de la demande !
Enfin, il y a ceux qui n’attendent rien du tout pour manifester leur fidélité, contre vents et marées, qui répondent présents dans l’adversité, dans le malheur des jours tristes comme au temps des jours heureux, n'ont pas honte ou peur de !
On ne prend pas son temps, c’est à effet immédiat ou jamais ! Dès demain, il sera pour toujours, trop tard...
Retirer son amitié est un acte grave, voire même impossible : à toute chose comparable, c’est comme vouloir effacer une initiation ou un baptême.
L’amitié, c’est aussi et surtout accepter l’autre avec ses différences qu’on ne peut pas ne pas connaître préalablement, car c’est une construction longue et patiente. C’est donner le droit à l’erreur.
Une fois scellée, l’amitié ne peut se défaire sous prétexte d’une actualité désagréable ou pénalisante : c’est bien au contraire l’occasion de la manifester, dans l’opprobre, voire même la déchéance : cela se nomme la fidélité dans l’amitié.
Si un ami catholique se convertit à l’islam, ou de sensibilité de gauche passe à droite, entre dans une secte** ou … change de sexe, vais-je lui retirer pour autant (je veux dire si peu) mon amitié ?
Etre fidèle en amitié… En d’autres temps, cela à probablement conduit à l’échafaud les amis de Danton ou de Robespierre, au peloton d’exécution les amis de résistants ou de… collabos, massacrer les amis de dictateurs (non complices bien sur, tous étrangers aux agissements des suppliciés) !
Oui, il faut du courage pour rester fidèle en amitié, je le concède, mais n’est-ce-pas aussi la démonstration ultime du véritable amour de l’autre, du prochain ?
Je me souviens d’avoir apporté des oranges à un ami en prison (bon, d’accord, il n’avait violé personne, c’était fiscal, faux en écriture, abus de biens sociaux, mais son épouse, elle, à divorcé).
Dans les jours qui viennent, D.S.K. (qui n’est pas mon ami) comptera – quoi qu’il arrive, et ça, c’est terrible – beaucoup moins d’amis… Au moins saura-t-il à qui s’en tenir !
Ajout du 18.05.2010 :
L'heureuse contribution d'un commentaire (le second dans la liste) m'offre une nouvelle possibilité de développement.
Cet habitué du blog m'écrit :
La fidélité en amitié. Voilà une valeur capitale et ô combien rare de nos jours. Néanmoins, jusqu'où doit aller cette fidélité ? Porter des oranges à un fraudeur, bien sûr... Mais si l'on découvre que l'ami est un assassin - non pas un crime passionnel mais bien un tueur de sang froid ou tout aussi grave (sinon plus), que faire si l'ami est un violeur ?!? Doit on (et je pose vraiment la question) soutenir ouvertement un malfaiteur au mépris du malheur qu'il sème ? Car la victime, elle, sa vie est brisée. N'y a t il pas un moment ou la fidélité entre en concurrence avec la compassion due à la victime ou simplement avec le sentiment de justice ?
Précision : par "soutenir", j'entends moralement, psychologiquement, bien évidement pas dans l'action de défense.
La question posée est effectivement capitale, à multiple facettes, et dans le cas présent, il serait injuste de les dissocier. OUI ! La fidélité et la compassion doivent être observées, personnellement, je ne pense pas qu'il y ait concurrence. Surtout et j'ai insisté sur ce point, dans la phase de doute, d'ignorance et d'incertitude. C'est là, uniquement, que se place ma réflexion. Une fois les faits avérés que se passe-t-il ? Dans bien des cas, un sentiment de répulsion, la tentation d'abandon. Ne nous laissons pas entraîner au delà du simple exemple par le prétexte que j'ai pris, sous les projecteurs de l'actualité.
Je suis outré de voir que beaucoup d'élus prennent la défense de l'accusé. Un devoir de réserve eut été beaucoup plus sain car s'il est réellement coupable, prendre sa défense friserait l'abjection par rapport à la victime.
Il est intéressant d'observer qu' à ce jour, nous n'avons pas encore entendu un mot, encore moins une explication de "l'inculpé", c'est à dire sa version des faits. De même pour "la victime". C'est peu banal, surtout dans notre culture européenne, pour que cela soit remarqué. Un élu à des devoirs mais aussi des droits. Il me semble normal - je n'en suis pas outré - qu'une poignée d'élus exprime son attachement à la personne, doute, soutienne car c'est... tout simplement humain, même si le crime (s'il y a) est horrible. Pourquoi lui refuser, avec le risque considérable pris pour la carrière politique des intéressés, alors qu'une quantité (inconnue par définition) d'anonymes le fait ?
Ce que je veux dire, mon cher Jacques, c'est que la fidélité en amitié (et en amour) si elle doit être un pivot de la vie (et de la vie spirituelle) doit néanmoins s'assortir d'un amour pour l'ensemble des individus, d'un discernement et d'un sens de la justice sinon ce n'est plus de l'amitié mais une fidélité mal placée... Nous avons aussi un devoir d'amitié et d'amour vis à vis de l'anonyme.
Nous sommes parfaitement d'accords.
Il ne s'agit pas de donner son amitié à un criminel, passé en phase expiatoire (ce qui est tout-à-fait différent) mais de lui garder celle déjà donnée pour lui apporter son soutien moral dans l'épreuve, tout comme cela doit se faire (et se fait) pour la victime.
Je précise qu'une fois "les faits avérés", mon comportement (accompagnement) serait dans la sévérité la plus stricte pour le coupable-ami et ma compassion réservée uniquement à l'innocente victime !
Il sera toujours temps de prendre ses distances face à l'insoutenable, mais ce n'est pas le débat, tout-au-moins dans la phase que j'ai choisie.
11 heures 30:
Rien n'y fait ! tous les commentaires parvenus depuis, veulent aborder le sujet exclusivement sur l'affaire D.S.K. :
Ceux adressés par les lectrices se placent uniquement sur l'angle des femmes battues et violées, s'exprimant avec partialité, mauvaise foi***, parfois avec violence assorties d'insultes (à mon endroit).
Les autres sont franchement politiques.
Je regrette que le débat ne se poursuive pas sur le thème original, qui méritait lui un esprit ouvert, généreux.
Je suis terrifié par les certitudes des uns et les conceptions d'un autre âge des autres. Restons barbares !
Il m'a été fait remarque - courtoisement cette fois - que j'ai peut-être eu tort de prendre un exemple en plein feu de l'actualité. Probablement, j'en assume la responsabilité, car c'est justement dans ce "timing" là que se joue (ou pas) la marque de fidélité (mais je me répète). Aurais-je choisi Landru (condamné) ou Dreyfus (réhabilité) que l'on m'aurait - à juste titre - accusé de partialité. Ce n'est pas facile de se faire comprendre, encore plus de se faire entendre par des oreilles bouchées de parti-pris ! Je les invite à relire une seconde fois mon texte, j'ose espérer une meilleure compréhension, plutôt que s'offrir à petit prix un défouloir, ou se livrer pitoyablement à un procès d'intention.
* Dominique Strauss-Kahn.
**Rosicrucianisme, martinisme ou franc-maçonnerie sont dans notre pays, très souvent assimilés comme tel.
*** : je ne prends pas la défense de D.S.K., faut-il donc le préciser à nouveau ? A lire, j'en conclus que, parce que c'est D.S.K., rien n'est défendable, aucune thèse n'est soutenable, que les carottes sont cuites !