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Un texte de Robert Charroux, choisi et présenté par Dédé 59
De nombreuses personnes cherchent la sagesse, la plénitude, le plein développement de leurs potentialités, ou simplement à être utile à leur prochain par une démarche spiritualiste, ou du moins humaniste. Les uns ont choisi le chemin de la politique, du syndicalisme, d’autres s’investissent dans des associations caritatives ou humanitaires, d’autres encore choisissent le chemin de l’initiation, enfin, certains embrassent successivement ou en même temps toutes ces voies. Beaucoup sont animés d’un haut idéal, et afin de parfaire leur compréhension, plongent dans des études ou des lectures édifiantes pour être sûrs qu’ils sont toujours sur le bon chemin. La connaissance est certes agréable, mais réduite à elle-même, de quelle utilité peut-elle être si elle ne s’accompagne pas d’actions qui sont le reflet de l’idéal qu’on porte ? Pourtant, certains textes peuvent nous éclairer sur ce sujet et nous encourager à agir de notre mieux. C’est ce qu’a essayé de nous faire comprendre Robert Charroux, dans son livre « le livre des maîtres du monde » , où, par l’histoire de la colombe, du vautour et du Bodhisattva, il démontre qu’aussi sage que l’on souhaite être, cela n’est rien si cette sagesse ne contient pas une certaine notion de la fraternité, ou pour parler plus simplement, d’amour.
Dédé 59
INITIATION ET AMOUR
Si l'initiation était la science pure, il serait difficile de la concilier avec la notion d'amour.
Comment saurait-on mettre de l'amour dans le calcul d'une date d'éclipse, de la vitesse de propagation d'une onde et même dans une simple multiplication ?
Mais l'initiation est aussi la sagesse, agent modérateur de l'escalade des connaissances interdites et catalyseur des sentiments affectifs les plus nobles. Pythagore cultivait la notion d'amour et sept siècles av. J.-C., Bouddha en donna un enseignement- qui ne fut jamais dépassé.
La plus belle histoire du monde :
Ce qui est beau l'est pour tout le monde, ce qui est grand n'a pas de mesure.
Les maharajahs de Bénarès ont une devise adoptée par les théosophes - qui est admirable, au Sens le plus pur : « Il n'y a pas de religion plus élevée que la vérité". C'est le seul dogme que puisse admettre l'honnête homme.
L'amour n'est pas un dogme, sinon on pourrait dire: il 'n'y a pas de vérité plus élevée que l'amour, ce qui dans un certain sens, serait un mensonge admirable.
La légende, dont nous allons donner relation exprime le concept aryen de l'amour à travers le Bodhisattva, c'est-à-dire, Bouddha avant qu'il eût connu l'illumination par l'amour.
Le Bodhisattva parcourait la campagne en queste ce qu'il ne savait pas. Il marchait à pas lents, tantôt s'abîmant dans ses pensées, tantôt accrochant sa curiosité à la nature, somptueusement vêtue des couleurs de l’infiniment intelligent.
Soudain, il vit une colombe, si fatiguée de brasser l’air lourd que sa chute était imminente. En un ultime effort, elle parvint jusqu'au Sage et se laissa tomber à ses pieds.
- Je t’en supplie, Bodhisattva, gémit-elle, sauve-moi! Un vautour me poursuit depuis ce matin; je suis épuisée et n'ai plus d'espoir qu'en toi. Vois; le vautour arrive... il est là !
En effet, un gros oiseau noir approchait du Sage, mais en volant lui aussi avec tant de maladresse que son épuisement faisait peine à voir.
Le Bodhisattva ramassa la colombe, la cacha dans sa tunique, en lui murmurant avec toute sa tendresse fraternelle:
- Paix en ton cœur, petite colombe. Je suis le Bodhisattva, je t'offre l'hospitalité de mon sein et tu n’as plus rien à craindre.
C’est alors que le vautour se posa devant lui, les plumes en désordre et visiblement harassé.
- Par les dieux, murmura-t-il, je n'en puis plus après cette terrible matinée de chasse! Bodhisattva, je t’ai vu cacher la colombe sous ta tunique, donne-la moi vite, car je me sens défaillir…
- Assurément, je ne te la donnerai pas, répondit le Sage, car je lui ai garanti la sécurité et les lois de l’hospitalité, ne sauraient être transgressées sous peine de forfaiture.
- Cette colombe ne t'appartient pas, répliqua le vautour. Elle est à moi. Quand tu l'as ramassée, elle était à bout de forces et allait, en toute équité tomber en mon pouvoir. Allons, donne-moi mon bien!
- Impossible!,
- Réfléchis, Bodhisattva: je suis un vautour, c’est ma nature imposée par les dieux qui, de même m'ont imposé ma nourriture. J'ai forcé la colombe. Elle est la récompense de mon travail de vautour et tu dois me la donner.
- Impossible, dit encore le Sage, mais on sentait qu'il avait la voix mal assurée. Je voudrais bien t'obliger, vautour, mais je ne le puis au prix que tu demandes. Repars à la chasse, c’est ce que tu as de mieux à faire!
- Repartir à la chasse? Tu plaisantes cruellement, Bodhisattva! Ne vois-tu pas que je suis incapable de voler? Qu'un renard-me trouve en cet état et je suis perdu! Tu veux me mettre dans l'obligation de mourir de faim ou d'être dévoré par un ennemi ? Soit, je vais mourir, mais tu porteras ce crime sur ta conscience!
Le Bodhisattva n'eut pas besoin d'une longue méditation pour comprendre que le vautour avait raison, mais la colombe aussi avait raison de vouloir sauver sa vie, et lui aussi avait eu raison d'offrir l'hospitalité de son sein. Pouvait-il dire à l'oiseau qu'il était le salaire légitime du vautour ? Devait-il laisser le vautour dévorer sa proie?
Son cœur fondait de pitié, d'amour et de cruelle incertitude.
Sacrifier l'innocente colombe? Impossible!
Sacrifier le vautour innocent? Non!
Il ne restait plus qu'une solution qui illumina le Bodhisattva.
- - Tu as raison, vautour, dit-il; je ne dois pas te priver de ton salaire. Je vais donc t'offrir avec ma chair ce qui te revient de droit.
Par miracle, une balance et un couteau surgirent devant le Sage qui posa la colombe dans un plateau ; dans l'autre, un gros morceau de chair prélevé sur son propre corps. Le fléau penchant du côté de l'oiseau, le Bodhisattva ajouta un autre morceau de sa chair, puis encore un autre, et un autre... et toujours le fléau penchait du même côté, et le monceau de chair humaine ne pouvait peser aussi lourd que la frêle colombe.
Alors, le Bodhisattva monta tout entier dans la balance dont les plateaux s'équilibrèrent aussitôt avec une exactitude rigoureuse.
Une vie pour une autre vie!
Le vautour, qui avait contemplé la scène en silence, battit des ailes et se métamorphosa.
- - Je suis le dieu Indra, dit-il, et je voulais t'éprouver!
Une pluie d'ambroisie tomba du ciel et guérit le Bodhisattva à qui le dieu annonça qu'il se réincarnerait dans le corps du prochain Bouddha.
Voilà, à n'en pas douter, une belle leçon d'amour, complète et édifiante: une vie vaut une autre vie; la vie d'un initié ne vaut pas plus que celle de la fumée s'échappe d'une cheminée.
L'amour ne vaut que s'il est total et s'adresse aussi bien à notre frère le vautour, qu'à notre sœur la pierre ou à notre autre frère, le petit grain de sable
Tel fut l'enseignement initiatique du Bodhisattva.
Robert Charroux
Les Maîtres du monde