Le « Couvreur » dans une loge maçonnique, le « Gardien »
dans une loge rosicrucienne, de même martiniste, , le clerc « Portier » dans
l’Église, voici des fonctions et/ou grades, au plus bas dans l’échelle et qui
constituent pourtant l’élément premier dans l’accès au Temple.
Effectivement, nul ne pourrait franchir de seuil sans sa
présence. C’est lui qui ouvre et ferme la porte, gardien dans l’humilité de la Tradition ou de
l’Ecclesia.
Qu’il soit Portier au nom et pour servir le Grand Architecte
de l’Univers ou le Christ, c’est selon[1],
il est le premier à nous accueillir.
Dans la Symbolique Maçonnique[2], Jules Boucher nous
informe d’une disposition qui me paraît fort révélatrice et de haute valeur
spirituelle :
« Le poste de Couvreur
est tout aussi important et nécessaire que celui de Vénérable ; les
anciens rituels se montraient donc parfaitement sages quand ils donnaient cette
place au Vénérable qui venait de terminer son rôle de Président, (page 107) ».
De même, mais plus par coutume que par obligation, dans la
plupart des loges rosicruciennes.
Janus, le dieu aux deux visages contrôlait simultanément
l’entrée et la sortie.
Dans l’Église[3] il est sagement rappelé que « même s’il
accède à un autre ministère, le portier restera toute sa vie un symboliste (un
Portier)». L’Evêque donc reste ad vitam, d'abord un Portier ! Cela me semble bien normal, car dés l’origine, c’est bien à l’apôtre Pierre que Jésus remit toute la plénitude du « Pouvoir des Clefs, c'est-à-dire d’ouvrir et
de fermer les Portes du Royaume Spirituel »[4] (maîtrise partagée avec
l’archange Saint-Michel).
L’on comprendra ainsi que ce premier grade des ordres «
Mineurs » est l’étape décisive dans la montée initiatique vers les ordres
supérieurs, dits « Majeurs ».
Crédit photo : site évangile-et-peinture, œuvre de Berma
Qui dit Portier, dit porte et qu’est-ce qu’une porte dans le
symbolisme ?
Dans toutes les Traditions, c’est un lieu de passage qui
évoque le plus souvent celui des ténèbres à la lumière, ou de la terre au ciel
(mythe de la caverne) les portes du paradis et celles de l’enfer. Mais l’on
pourrait également rappeler celui entre le monde des vivants et des morts, ou
de l’ignorance à la connaissance. Citons encore le passage du haut vers le bas,
de l’extérieur vers l’intérieur.
Mais essentiellement, du monde profane au monde sacré (ce
qui doit nous faire souvenir que le rite
est une technique qui facilite le passage vers le sacré). Le symbolisme
très riche de l’art roman s’illustre par la présence fréquente de tigres menaçants
aux portails d’églises ou de chapelles. Mais ce ne sont que des tigres de
papiers, gardiens du seuil, qui effraient ceux qui ont de mauvaises intentions
et laissent entrer les cœurs purs.
Dans le mysticisme de Saint-Jean de la Croix, de Sainte Thérèse
d’Avila (pour ne citer que ceux-là) ce passage de la nuit obscure vers une aube
nouvelle, une aube d’or, passe par le portail du Baptême, afin de pouvoir
entrer dans l’Église, l’Assemblée Sainte, le Corps des Baptisés, où aura lieu
le mariage avec l’Agneau (le Christ). C‘est elle qui donne accès à la Révélation.
L’alchimie de même, par le portail de la Régénération pour
aller célébrer dans le Temple, les Noces Chymiques.
Dans la
Tradition, la porte, c’est le franchissement d’une entrée que
l’on appelle l’Initiation.
A l’évidence, ce simple Portier, Couvreur ou encore Gardien
est bien plus important, j’allais écrire grave, qu’il n’y paraît !
Portes et portiers : quelques citations à méditer :
« Oh vous qui avez dit : Je suis la Porte… montrez-nous avec
évidence de quelle demeure vous êtes la porte, à quel moment et quels sont ceux
à qui vous l’ouvrez. La maison dont vous êtes la porte est le ciel que votre
Père habite ».
Guillaume de saint-Thierry
« Voici, je me tiens
à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte,
j’entrerai et je prendrai la Cène
avec lui et lui avec moi ». Apocalypse,
3/20
« Un disciple du
Maître Soufi Mawlânâ lui demanda : Maître, pourquoi t’adonnes-tu ainsi de jour
et de nuit à la musique ? Il lui répondit : Parce qu’elle est pour moi comme le
grincement des Portes du Paradis - Moi,
je n’aime pas les portes qui grincent lui répliqua le disciple. A quoi Mawlânâ
répondit : Parce que tu les entends seulement quand elles se ferment, moi je
les entends quand elles s’ouvrent! » Mawlânâ, Maître Soufi
[1] « Dieu est architecte dans la Bible, chez les Pères de
l’Église, dans la littérature maçonnique » AMADOU, Robert, La tradition
maçonnique, Paris, Cariscript, 1986.
[2] BOUCHER, Jules, La Symbolique Maçonnique,
Paris, Dervy, 1948, 382 p.
[3] L’Église Catholique Romaine a abandonné cette ordination
mineure qui est perpétuée de nos jours par plusieurs églises catholiques
séparées de Rome, telles par exemple l’Église Gallicane, mais aussi il me
semble la Petite
Église Vieille Catholique, les Églises Orthodoxes.
[4] Tous les passages entre guillemets de ce paragraphe sont
extraits du site internet de l’Église Gallicane.