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Ce blog n’est pas rosicrucien, martiniste ou maçonnique, mais s'intéresse à ces trois courants initiatiques et traditionnels.

jeudi 9 juillet 2020

Sortez masqué !

Bonjour à toutes et tous !

Le virus est toujours présent, latent, prêt pour la deuxième vague que l'on nous annonce si nous ne sommes pas vigilant et ne respectons pas les règles sanitaires, de distanciation et de port du masque. Tiens le masque, beau sujet de réflexion symbolique non ? Sachons tirer le positif de toute chose.





Dans la majorité des sociétés initiatiques et des rituels le masque, le bandeau également, jouent un rôle important.
Dans le Martinisme, il est présent dès le degré d'« Associé », il est le premier effet vestimentaire dans cet Ordre et c'est à ce titre qu'on peut dire qu'il est fondamental. Aussi, avant de lever le voile sur le symbolisme du masque, il serait bon de reformuler ce qu'est un symbole et sa fonction.

Un symbole est un médiateur entre le monde physique et le monde de la pensée. C'est un langage ou plutôt un méta-langage qui dépend bien sûr de la culture et du contexte dans lequel on l'emploie. Depuis les travaux de Jung en psychanalyse, les symboles ont repris une place importante dans la vie de notre société matérialiste, ce qui est en soi un bon signe de son évolution vers le monde de l'esprit, la spiritualité.

Les fonctions du symbole dans la tradition ésotérique sont multiples. Dans un premier temps, le symbole évoque tout en voilant, il structure alors notre pensée et permet ainsi de faire en nous les prises de conscience qui mènent au « Connais-toi, toi-même ». Par principe, un symbole n'est jamais vraiment interprété, car sa partie voilée est beaucoup plus importante que sa partie visible. Le symbole, disait L.C.de Saint Martin en parlant des Nombres, n'exprime que l'étiquette du sac, et ne donnera pas communément la substance de la chose. Cette substance, comment l'obtenir ? Eh bien, tout simplement, par recoupement entre divers symboles dans une même tradition, ou avec d'autres traditions, quand notre perception personnelle de ce symbole est assez solide. Les symboles jettent des ponts dans la conscience de l'individu. Ils permettent des associations d'idées qui favorisent l'éveil de la conscience.

Revêtir sa jeunesse de quelque costume élégant, éclatant et fantastique, cacher son visage sous un masque d'expression immobile, assumer une personnalité nouvelle, de tous inconnus; devenir un autre, un autre plus libre et plus léger, déchargé des soucis habituels et s'exaltant de sa métamorphose, c'est cueillir la joie que toujours donne à l'homme l'oripeau, mais aussi l'inquiétude vague que lui donne le masque. Inquiétude ? Eh oui: ce n'est pas sans cause que dans l'antiquité romaine, les jours carnavalesques, «Les Saturnales» étaient placés sous les auspices de Saturne, le Dieu planétaire auquel toute la tradition attribue une humeur inquiète et chercheuse.

Inquiétude ? oui, puisqu'il s'agit de cacher sa personnalité sous l'apparence d'une autre très différente, de déguiser sa propre réalité, d'augmenter au maximum la distance entre sa vie intérieure et son activité extérieure, de créer une personne superposée à la sienne.

Mais déjà une personne, n'est-ce pas un masque ? Dans le théâtre antique, l'acteur portait toujours un masque dont la bouches étaient un porte-voix, et ce masque se nommait « per sona » (personne) : la voix sonnait à travers lui. Ainsi, si l'homme est une personne, c'est que le masque lui a donné son nom. Un héros de tragédie était toujours en relation avec le monde divin ou le monde démoniaque. Pour frayer avec les êtres surnaturels, il portait toujours un masque. Il leur présentait de lui-même une apparence rituelle, façonnée selon les canons d'un art hiératique (c'est-à-dire conforme d'une tradition liturgique). Dans toute l'Afrique, le sorcier, pour évoquer les puissances ténébreuses, revêt un costume solennel et fantasmagorique, et cache son visage sous un masque.

La nature même pose un masque à la créature humaine pour une entrée dans la vie comme pour une entrée dans la mort. Elle modèle le masque de la femme enceinte. Elle sculpte d'un doigt tragique, avec l'os et la chair, ce masque prémonitoire, lisible comme des lettres familières, des hommes que va saisir la griffe de la mort.

Plus loin encore, plus haut, monte le symbole du masque. La théologie dit que Dieu est personnel, proposition qui choque fort ceux qui n'entendent pas la langue française. Elle a conservé au mot «personnel» son sens fondamental de «masqué». Elle signifie que Dieu est masqué par le monde, c'est-à-dire incommunicable. Pour la théologie catholique, le monde est le masque de Dieu.

Pour le Martiniste, le masque est une chose destinée à masquer la personnalité et à augmenter au maximum la distance entre l'initié et le monde profane, c'est donc une aide pour créer la personnalité idéale, c'est aussi l'un des trois outils dont l'Initié se sert pour entrer dans la voie tracée par les Supérieurs Inconnus et bénéficier de leurs influences. L'Initié doit-il alors se cacher ? Uniquement au monde profane, à ses Frères il se présente sans contrainte, tel qu'il est.

Qu'enseigne alors le masque à l'Initié ? II enseigne que la connaissance est impersonnelle et n'est connue que par ses manifestations. Elle ne peut être personnifiée comme individualité.

Qu'elle est l'origine du masque ? Dans les tragédies, les divinités mêmes étaient sensées parler par le masque de l'acteur. Aussi l'homme a été amené à associer le masque à des communications avec d'autres mondes. Avec nous il est devenu le symbole de cette communication.

Le langage direct est incapable d'exprimer pleinement et complètement la pensée. S'il répond aux besoins immédiats de l'homme, il est néanmoins insuffisant pour présenter en un grand ensemble une idée.

Ainsi, de réflexion en méditation, au fil du temps, se tissera dans notre conscience une structure, un tissu, un réseau d'association d'idées qui relèveront progressivement la substance du symbolisme du masque.





Le masque est mon vrai visage. (Rémi Boyer)

"Le masque de l’initié martiniste, m’enseigna Robert Amadou le jour où il me le remit, symbolise notre vrai visage à acquérir, celui de la ressemblance divine. Et le vieux maître de citer l’humoriste pour qui « jusqu’à 40 ans, on a le visage qu’on nous a donné; après 40 ans, on a la gueule qu’on mérite! ». Le masque cache en effet mon vrai visage, à moins qu’il ne le révèle. Le masque cache un secret, comme il révèle un secret, qui est celui de la déification. On devient ce à quoi on pense.

Tout homme est un autre Christ, clame Saint-Martin, et il peut accomplir, au Nom du Christ, des choses aussi grandes que le rabbi Ieschoua de Nazareth, et même de plus grandes encore. Le masque cache le Christ qui est en moi, et il le révèle à quiconque regarde ce masque pour ce qu’il est. Du Christ souffrant au Christ glorieux en somme. Car ce masque d’esclave, que porte tout homme racheté par le Verbe qui a pris la forme de l’esclave dans l’Incarnation, ce masque dissimile mon vrai visage, qui est de gloire. Mais cette gloire, à laquelle j’aspire parce qu’elle est la vraie nature cachée de mon corps, de ce corps qui n’est pas mien, mais qui est aussi moi, cette gloire non pas perdue mais enfouie, je ne peux la retrouver que dans le silence et l’effacement.

Le masque, comme tout symbole, n’est pas seulement le signe de cet effacement. Il en est le moyen, dans une intériorisation, une démarche d’abandon, qui commence par ma personnalité mondaine, et qui se poursuivra, Dieu voulant, dans un cheminement permanent de la périphérie vers le centre : acquérir un visage pour converser avec Dieu face à face. Cette quête du centre, qui est aussi l’axe du monde, comme le centre est l’axe de l’homme, est la quête du cœur, que Papus l’admirable a nommée «voie cardiaque», et que Saint-Martin, un siècle avant lui, désigne comme l’interne.

En passant du multiple à l’un, ou des nombres périphériques aux nombres centraux, je m’éloigne du Diviseur et me rapproche du Seigneur. Je quitte peu à peu le monde du temps pour entrer dans l’intemporel, en marche vers l’éternité retrouvée, qui est ma part de l’Éternel. Las, le Diviseur règne en tous lieux, puisque tous lieux lui appartiennent, en sa principauté. À l’école de Martines, Saint-Martin pose dans Les Nombres que le carré des trois éléments, qui sont le feu, l’eau et la terre, se construit autour du nombre cinq qui en fait ici le centre. Car Adam, en qui l’homme a péché, s’est trompé de
centre (voyez comment Martines de Pasqually narre l’épisode de sa tentation dans les premières sections du Traité sur la réintégration).
En lui, tout homme déchu est décentré, qui confond sa propre réalité illusoire avec le réel. L’homme déchu a été empoisonné, et, selon Karl von Eckartshausen, notre sang en garde trace, qui nous attire vers ce centre illusoire comme un aimant vers sa source. Mais le Réparateur, Lui, n’a pas succombé aux pièges du Diviseur (Matthieu, IV, 1-11), qui renverse pour l’homme les valeurs perverties. Il établit ainsi un autre centre du monde, en rétablissant le centre de toutes choses, qui est le Royaume à atteindre, si lointain, parce qu’au-dedans de nous où nul ne le cherche. Puisque nous devons changer de centre, après le carré des éléments, posons avec Saint-Martin encore que quatre, notre nombre intime, est central, tandis que trois, qui signe les formes, est un nombre de circonférence. Quatre sera donc, contre cinq, le véritable centre à atteindre, puisqu’il révèle l’unité. Mais deux unités ne sont pas permises, et le croire relève de l’illusion du Malin. Dès lors, comment passer de cinq à quatre ? Par l’abandon du quatre, qui est descente vers le haut.

Le Christ en croix signe ainsi de son sang l’acte du rachat de l’homme à l’Adversaire. Et l’initié martiniste est un autre Christ."


Je vous souhaite de très bonnes vacances et surtout n'oubliez pas ...
sortez masqué !



Thierry Ronat