VOUS AVEZ
L’Ego duelliste
écrit par Murielle
Je contemple le ciel, comme
moucheté de coups de pinceaux blancs... J'ai préparé ma feuille, à l'instar de
l'explorateur qui vérifie son sac avant l'aventure.
Et j'attends, impatiente, l'ego duelliste, ce
personnage incontrôlable qui me hante le temps d'un texte. Chaque fois
différent, chaque fois plus angoissant; il me montre une fois encore la
profondeur insondable du délire imaginaire. Puis il s'étire hors de moi, se
détache difficilement et s'assoit...
Le duel peut commencer !
Une phrase me vient à l'esprit. Une phrase trop
pure, trop crue. J'essaie de la modifier, de l'arrondir, mais l'ego insiste
pour qu'elle reste nue. De traits d'esprit en association d'idées, l'ego me
décortique. Il suscite, comme nul autre, tout à la fois la rage d'écrire mes
impressions et la peur de regarder en face cet aspect de moi-même que je
pourrais être.
Pourtant, j'écris...
J'écris avec la sueur froide de mes peurs, avec
le sang de mes blessures, avec un sourire furtif recueilli à la sauvette et qui
m'a fait du bien, avec les larmes d'amour et celles de douleur...
Je ne distingue déjà plus ce qui est vécu de ce qui
est seulement imaginé.
Je vis sa vie qui est une des miennes,
intérieures, secrètes, inaccessibles. Je me vois comme je me déteste, par
modestie ou par lâcheté. Je touche du bout de ma plume l'extraordinaire
complexité de la nature humaine, et je lutte pour exister, pour penser, comme
je le sens le mieux.
Alors l'ego s'approche et me glisse doucement à
l'oreille :
« N'as-tu jamais pensé être un jour douce,
ou patiente, ou méchante, ou indifférente ? ››
Et toutes les facettes de l'être passent devant
mes yeux, comme autant de rôles que je n'aurais pas enfilés...
Peut-on vivre en sachant qu'on ne sera jamais
qu'une infime partie de ce kaléidoscope de sentiments ?
Peut-on vivre sans mieux cerner qui l'on est, et surtout,
qui l'on peut être ?
Peut-on vraiment vivre sans risquer son âme ?...
L'ego est reparti et ma feuille est remplie !
Cette fois-ci, il ne m'a pas montré mon réflexe
irrépressible d'écriture descriptive, cette fascination à percer les autres du
regard.
Non.
Cette fois-ci, il m'a dit : « Regarde-toi
toi-même. Tu n'es pas mieux, tu n'es pas pire, tu n'es pas autre. Tu n'es que
l'une d'entre eux. ››
Murielle
Carpentras
1983
Merci pour cette contribution et pour ce partage
RépondreSupprimerCher Jacques,
RépondreSupprimerJe me dois d'apporter une petite rectification à votre présentation : si j'ai bien écrit cette nouvelle, en revanche l'illustration a été réalisée (à la plume et à l'encre de Chine) par Frédéric Médrano que les hasards de la vie m'ont fait rencontrer bien avant que ses talents de dessinateur de BD ne soient connus du public.
D'ailleurs, je vous joins un lien sur son blog dans lequel vous reconnaîtrez, sans difficulté, son trait de crayon si caractéristique (http://fredmedrano.canalblog.com)
Nous avions fait là oeuvre de jeunesse en croquant, dans un "duo de plumes" masculine et féminine, une galerie d'une vingtaine de portraits qui composent les Esquisses. Je l'en remercie chaleureusement une nouvelle fois.
Si aujourd'hui, comme le dit la formule consacrée, je suis "légalement propriétaire" des illustrations de ce recueil, je tenais néanmoins à rendre à César ce qui appartient à César... et à Frédéric le mérite qui lui revient.
Bien à vous.
Beaucoup de sensibilité et leçon d'humilité, merci Murielle
RépondreSupprimerEncore une heureuse contribution, Merci jacques et Murielle l'auteur, c'est toujours un grand plaisir de venir vous rencontrer ici. Bonne année à tous !
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