vendredi 17 janvier 2014

Vous avez la parole : LE BAVARD ET LE MAITRE SILENCIEUX par Dédé 59

En me promenant sur le web,  j’ai trouvé un article relatif au secret dans les sociétés initiatiques et il m’a paru intéressant de vous le faire connaître (avec son aimable et fraternelle autorisation). Cet article m’a inspiré une petite aventure avec « Pierre TAILLEZ ». Voici donc l’article en question et ma  petite historiette :


Posté par leblogdegaudius le 6 janvier 2013





Les réflexions qui ont nourri les miennes proviennent d’une « planche maçonnique » trouvée sur GADLU infos; « Les états du silence »  et de 2 articles de Jeanne GUESDON, « Le silence » et « le jardinier mystique »
Vu de l’extérieur, les sociétés initiatiques semblent étranges, mystérieuses, et les curieux se demandent souvent « mais qu’est ce qui se passe là-dedans ? ». D’aucuns diront que quand on n’a rien à se reprocher, on ne cache rien et si les membres gardent le secret sur leur organisation, c’est que c’est sûrement suspect, qu’on complote, qu’on conspire et qu’on trame, et chacun est à l’affût de la moindre fuite, du moindre article, de la moindre information « autorisée » censée révéler les « secrets » et les « mystères » de ces organisations « secrètes » , qui lèvera définitivement le voile sur ces fonctionnements cachés. Pour un peu, on demanderait que les cérémonies se passent en public, presque dans la rue, au vu et au su de tout le monde, comme un office religieux ou pire, comme un spectacle ou un divertissement.

C’est oublier un peu vite que ces organisations « secrètes » sont des associations privées, avec un fonctionnement et des statuts propres, qu’elles ne sont pas si « secrètes » puisqu’elles ont pignon sur rue et qu’il suffit de s’informer et de se renseigner, quitte à se lever de son siège et aller à la rencontre des uns et des autres.

Mais alors, pourquoi demander le secret à leurs membres si dans le même temps, on s’affiche en public ? En fait, ce qui est demandé dans les sociétés initiatiques, c’est de garder une certaine discrétion sur le mode de fonctionnement, sur les rituels, les symboles et les mots de passe, sur l’appartenance des uns et des autres, bref, de tout ce qui relève de la cuisine interne. Par contre, il n’est pas défendu de parler spiritualité ou philosophie et d’exposer les divers points de vue et opinions sur des sujets variés et qui peuvent éventuellement intéresser quelques chercheurs.

Ce n’est pas en vain qu’on demande aux initiables de garder le silence, car c’est s’adonner à une certaine discipline intérieure et celui ou celle qui est capable de tenir sa langue prouve qu’il ou elle est une personne de confiance, qui parle à bon escient, et qui ne se livrera pas à des commérages quelconques.  Garder le silence, entrer dans le silence, même, c’est marquer une forme de respect envers le lieu dans lequel on va entrer, c’est se préparer, se mettre en ordre pour rentrer dans un autre espace, un espace « sacré », et un autre temps (quand ce n’est pas se situer hors du temps). Ce lieu, cet espace sacré, c’est le temple. Avant de pénétrer dans le temple, il faut donc se mettre en ordre, se préparer et on ne peut le faire que dans le silence.

Les « profanes » peuvent-ils entrer comme ils le désirent dans le temple, « pour voir » ? C’est possible dans certaines conditions, lors de cérémonies ouvertes et sous la garde vigilante des gardiens afin qu’aucun impair ne se commette. D’ailleurs, instinctivement, beaucoup manifestent un certain respect pour les lieux et si les rituels leur sont encore étrangers, ils en bénéficient tout de même.

La seule clé qui peut donner accès au temple est le désir et la sincérité, et une longue recherche mue par un réel intérêt, une aspiration authentique, comme si le fait de ne pas trouver le but nous rendait incomplet et insatisfait. C’est cette quête, venue du plus profond de notre être, qui nous donne accès aux portails du temple et il nous suffit de frapper et de demander notre admission pour que nous soyons admis à franchir le seuil. A ce sujet, on sépare le « sacré » du «profane » et cette dernière appellation s’applique à tous ceux qui ne sont pas « initiés ».  Je verrais plutôt la chose autrement : il y a des indiscrets, des curieux et des « profanes », c’est-à-dire ceux qui se tiennent devant le «fanum » (le terrain consacré). Pour ces derniers, s’ils se tiennent devant le fanum, c’est qu’ils en connaissent l’existence et qu’ils ont déjà un aperçu, qu’ils ont déjà fait quelques recherches et qu’il ne leur manque que de frapper aux portes. Puis il y a les curieux, qui passent devant, qui savent bien que ça existe, mais que finalement, ce n’est pas leur tasse de thé même s’ils admettent que d’autres y entrent. Puis il y a les indiscrets, qui collent leur œil au trou de la serrure et leur oreille contre la porte, mais qui prennent le large si on les invite simplement à entrer.

Pour en revenir au sujet du secret et du silence, on ne saisit pas tout de suite l’intérêt de cette discipline, pourtant, elle est nécessaire. Lorsqu’on s’astreint ou qu’on est astreint au silence, on finit par s’intérioriser, et donc, par écouter la voix de notre conscience, notre propre maître intérieur, ainsi qu’à écouter les autres, même leurs silences. C’est donc une étape nécessaire et fondamentale pour développer notre intuition. Ensuite, garder le secret sur les cérémonies et les symboles, c’est leur permettre de faire leur œuvre en nous et de nourrir notre être intérieur, c’est garder nos forces et permettre un certain processus de maturation. C’est permettre que les graines qui sont semées en nous s’enfoncent dans le sol, germent lentement, et arrivent à maturité. Disserter sur ces sujets avec ceux qui ne sont pas concernés, c’est stériliser notre propre terre et celle des autres, c’est jeter les semences aux vautours et c’est casser les outils qui doivent permettre de  cultiver notre propre jardin, laissant de ce fait croître les ronces là où on voulait faire pousser de belles plantes.

En revanche, il n’est pas interdit de partager les fruits de notre travail avec qui le veut sincèrement. Secret donc sur les semences, sur les outils, sur la méthode de travail, mais partage de la récolte, en premier lieu avec nos frères et sœurs, bien sûr, puis avec nos amis et nos connaissances, l’un n’est pas antinomique de l’autre. Pas de cachoterie, mais une discrétion de bon aloi, qui laisse l’espace libre, qui n’encombre pas son monde, et qui respecte l’autre (rien n’est plus fatigant qu’un être trop zélé qui, parce qu’il a trouvé ce qui lui correspond, se croit obligé de parler sans discernement de sa découverte et de convertir des gens parfaitement indifférents à ce sujet). Et par la capacité d’écoute que l’initié a pu développer, il est à même d’aider son prochain par des paroles prononcées au bon moment,  par une discussion sereine et dépassionnée ou par des actes significatifs.

Vous remarquerez les nombreuses métaphores jardinières employées dans ce message, mais c’est justement qu’on attribue au jardinier des vertus telles que la patience et la persévérance. Or, ces vertus ne peuvent s’épanouir que si nous respectons un certain silence, une certaine qualité de silence, qui n’est pas mutisme, mais plénitude.


LE BAVARD ET LE MAITRE SILENCIEUX



Gérard LANGPANDUT  n’était pas un méchant homme. C’était au contraire un personnage bien sympathique, chaleureux,  enjoué et spontané, qui savait animer les soirées, mettre de l’ambiance et dérider les esprits les plus chagrins. Il avait par contre un gros défaut : il était incapable de tenir sa langue et lorsqu’on lui confiait un important secret ou qu’on lui livrait ses états d’âme, il n’était pas rare qu’il laisse échapper bien malgré lui des choses confidentielles, ou qui auraient dû le rester, plus par étourderie que par méchanceté, mais le mal était quand même fait. Les plus avertis ne lui confiaient donc que des banalités ou se contentaient de rentrer dans son jeu de joyeux drille.
Gérard LANGPANDUT s’était pris d’amitié pour Pierre TAILLEZ, car l’homme l’impressionnait par son calme, sa discrétion et un certain rayonnement qui s’exerçait sur son entourage. Lorsqu’il avait le bonheur de s’entretenir avec lui, c’était parti pour des heures de discussion, ou plutôt de soliloque car Pierre TAILLEZ  écoutait beaucoup plus qu’il ne parlait, laissant le champ libre à son interlocuteur. Or, il se trouva que Gérard LANGPANDUT appris incidemment que Pierre TAILLEZ était quelque chose comme un grand ponte dans une organisation secrète, et lorsqu’il eut confirmation de la chose, il n’eut de cesse de lui tirer les vers du nez. Il voulait tout savoir, tout connaître, tout découvrir et le peu que Pierre TAILLEZ lui livrait ne faisait qu’attiser sa soif de « savoir ».
Gérard LANGPANDUT appréciait, certes, l’idéal élevé et exigeant que cette organisation proposait à ses membres, mais quand il lisait quelques ouvrages sur les symboles particuliers, par exemple, ou sur certaines notions très « hermétiques » ; certains termes restaient un peu trop obscurs, et, pour tout dire, assez compliqués, un peu trop intellectuels à son goût. Il voulait surtout savoir ce qui se passait DEDANS, à l’intérieur, et en quoi consistaient les cérémonies. Il avait eu la chance d’avoir accès sur internet à de vieux rituels mais il n’avait rien compris du tout ! Et le secret que semblait garder jalousement Pierre TAILLEZ  ne faisait que renforcer sa frustration.
Il s’en ouvrit à son ami en ces termes :
-  "DitesmoncherPierrevouspensezquej’auraipeutêtreunjourlachancederentrerdansvotrebellefraternitéparcequed’aprèscequej’aipuenapercevoirettoutçaçaçameplaitbien,jesuistoutàfaitd’accordavecvousetjetouvequelesgensdevraientvousécouterdavantage.C’estbeauvousnetrouvezpaslafraternitémaispourquoiestcequevousvouscachezalorsqu’aucontrairevousdevriezêtrefiersetvousaffirmerdavantageetpuisça…"
Pierre TAILLEZ avait du mal à suivre ce flot ininterrompu de paroles et il essayait de deviner, puisqu’il en était rendu là, de savoir ce que désirait son interlocuteur si prolixe. Il essayait de saisir quelques mots clés mais avait du mal à suivre une pensée qui se dispersait trop dans des mots jetés comme au hasard.  Et Gérard LANGPANDUT continuait :
-   "Vraimentvoussavezmoij’aiunetrèsgrandeadmirationpourdesgensquisedévouentpourlesautresetpourconstruireunesociétéplusfratenelleetsij’enavaislesmoyensmoijesaisbiencequejeferais…." 
Enfin, au bout de 10 bonnes minutes, Gérard LANGPANDUT semblait se fatiguer et Pierre TAILLEZ put enfin entendre distinctement ces derniers mots :
-     "Voussavezquevousm’avezdonnéenviemaisj’hésiteencore. Alors, dites-moi, est-ce que j’aurais des chances d’être un jour des vôtres ?" 
Pierre TAILLEZ regarda son nouvel ami, réfléchit un moment, puis laissa tomber cette réponse, comme un couperet :
-    "A moins d’un énorme travail sur vous-même, je ne pense pas que vous puissiez encore nous rejoindre un jour."
Déception de Gérard LANGPANDUT.  Après avoir encaissé le choc, il demanda, presque les larmes aux yeux :
-       Mais pourquoi donc" ?
Et Pierre TAILLEZ répondit d’un ton à la fois ferme et apaisant :
-        " Parce qu’on n’arrive pas à entendre vos silences".



6 commentaires:

  1. De retour ? Avec bonheur, merci !

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  2. Jean-François B.20 janvier 2014 à 04:10

    Une très belle leçon de patience certes, de silence assurément, mais surtout d'humilité !

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  3. De mémoire " si ce que tu as à dire n'est pas plus beau que le silence, tais-toi"!
    Le silence de l'apprenti, certes, est "pesant", mais il passe... alors se prend-t-on à le regretter car il était aussi, "confortable" !
    Merci à vous Dédé 59 !

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  4. Je transmettrai vos félicitations à Gaudius, car c'est ce texte qui m'a inspiré le retour de Pierre TAILLEZ. J'aime bien ce bonhomme. Et vous?

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  5. J'adore, j'en redemande ! Je souhaite longue vie à Langpandut, on n'a pas fini de rigoler (sans vulgarité ni méchanceté, c'est très bien) encore bravo !

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